Se sauver soi-même

8 Settembre 2015

Entre le 9 et le 13 septembre 1943 un millier de réfugiés juifs venus de toute l'Europe, qui avaient été assignés à résidence forcée à Saint Martin Vésubie par les autorités italiennes d’occupation, traversèrent les cols de Fenestre et de Cerise afin d'échapper au génocide programmé par les nazis. Des réfugiés provenant de toute l’Europe, parmi lesquels se trouvaient des enfants en bas âge et des vieillards, descendirent dans la vallée du Gesso pour trouver refuge en Italie. La marche “A travers la Mémoire”, parvenue à sa XVII ème édition, nous rappelle leur épopée.

 

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Des vies prises au piège

 

Une famille est réunie autour de la table et consomme un léger repas. On ressent une inquiétude, de la peur, une tension. La mère décrit pour une énième fois sa pensée devenue obsédante, ou bien dont on parle pour la première fois. Les enfants ne comprennent pas, ils devinent, ils savent. Partons d'ici, sauvons-nous. Maman et papa se disputent, ils pleurent et s'étreignent, ils se rassurent.

 

Tout ira bien.

 

Nous devons tenter d'imaginer une scène tout en sachant qu'elle a eu lieu des millions de fois dans plein de versions différentes, la première en Allemagne puis dans tous les territoires que la politique expansionniste nazie englobait peu à peu dans son empire naissant. Moi, je l'imagine avec le visage du réfugié interprété par Gad Elmaleh – le “ tzigane” du film Train de vie – ou dans le film La rafle sorti en 2010 et qui a été projeté sur les écrans des cinémas italiens sous le titre de Vento di primavera (Vent printanier ou Vent de printemps), nom original de la plus vaste opération menée en même temps par l'Allemagne nazie contre les Juifs de trois pays européens occupés au cours de l'été 1942 (France, Pays-Bas et Belgique). A Paris, 13.152 juifs sont arrêtés par 7000 policiers et gendarmes collaborationnistes entre le 16 et le 17 juillet au cours d'une rafle impressionnante. La majeure partie s'est retrouvée enfermée dans le Vélodrome d'Hiver, d'autres dans le camp de transit de Drancy. Moins d'une centaine seulement ont survécu à la déportation et parmi eux se trouvait Joseph Weismann, alors enfant et dont le film s'est inspiré pour nous raconter l'histoire de sa famille avec laquelle il vivait à Montmarte1 avant cette catastrophe, des Juifs polonais venus se réfugier en France. Il n'avait pas peur Joseph. Même s'il avait entendu à maintes reprises les discussions de ses parents, il ne comprenait pas ce qui allait arriver2 et surtout pas qu'il allait vivre tout le reste de son existence avec la culpabilité d'avoir provoqué par sa naïveté la découverte de la cachette de son père comme on peut le voir dans le film.

 

Nous devons nous efforcer d'imaginer des centaines de milliers de familles qui dès les première heures de février 1933 – avec le parti nazi à peine arrivé au pouvoir – et durant plus de dix ans, ont dû soit prendre en considération, soit mettre en pratique le choix de fuir la persécution raciale. En terminant souvent, tout comme les Weismann, par être pris au piège puisque une bonne partie de l'Europe s'était rapidement mise à fonctionner en vase clos. C'est justement ce qui arriva à 331 réfugiés qui, après avoir été entassés et assignés à résidence forcée à Saint Martin Vésubie par les occupants italiens, quittèrent le territoire français en septembre 1943 après la capitulation de l'armée italienne. Avec des centaines d'autres persécutés, ils passèrent par là – ici-même où nous sommes réunis aujourd'hui – pour aller chercher refuge en Italie. Et le 21 novembre de cette même année, au lieu de cela ils ont trouvé la déportation à Auschwitz3.

 

 

Un terrible secret ?

 

L'antisémitisme nazi était déjà décrit dans Mein Kampf, le manifeste qu'Adolf Hitler écrivit dans les années 20 et qui énonce les bases idéologiques de son programme politique. En 1935, soit deux ans après son accession au pouvoir, les lois de Nuremberg les mirent en pratique, puis dans la nuit du 9 au 10 décembre 1938 une étape fut franchie avec la Nuit de Cristal - la Kristallnacht -, un violent pogrom en apparence spontané, qui déclencha en Allemagne une furie antisémite et au cours duquel furent détruits maisons, magasins, bureaux et synagogues, faisant des milliers de morts et de blessés parmi la population juive. A partir de ce moment, ceux qui n'avaient pas le choix et qui ne pouvaient pas s'exiler commencèrent à être internés dans les camps de concentration du IIIe Reich. Lorsque la guerre éclata, ils étaient déjà près de quatre cent mille Juifs à avoir fui la grande Allemagne4, dans un exode qui, durant les premières  années n'a pas été freiné par les dirigeants nazis, mais vivement encouragé : la dernière tentative de planification de l'émigration a été représentée par le «plan Madagascar» à l'été 1940, un projet invraisemblable de transfert massif des Juifs d'Europe, qui nous apparaît aujourd'hui bien dramatiquement surréaliste, et qui a été résumé comme tel dans La banalité du mal de Hannah Arendt :

En vérité, le plan Madagascar servait à masquer les préparatifs de l'extermination physique de tous les Juifs d'Europe occidentale [...] et la ruse [...] consistait dans le fait d'inculquer dans tous les esprits l'idée de base selon laquelle seule leur évacuation de l'Europe tout entière pouvait régler le problème: en d'autres termes, qu'aucune législation spéciale, aucune «dissimulation», aucun ghetto ne pouvait suffire. Quand, un an plus tard, le projet Madagascar fut déclaré «caduc», tout le monde était déjà psychologiquement ou même mieux, rationnellement, préparé à passer à l'étape suivante: puisqu'il n'existait aucun territoire dans lequel «évacuer» les Juifs, la seule «solution» était leur extermination5.

 

Eichmann, qui parait-il se vantait d'avoir eu l'idée du «plan Madagascar», aurait prétexté que c'était justement le refus des autres pays d'accueillir les persécutés qui aurait contraint les dirigeants de l'Allemagne nazie à planifier leur extermination. La destruction physique des Juifs d'Europe a commencé à se concrétiser dans sa partie orientale à l'été 1941, quand, avec l'invasion de l'Union soviétique, environ 2800 à 3000 hommes des Einsatzgruppen – les escadrons de la mort qui secondaient la Wehrmacht dans cette opération militaire, avec cette mission toute particulière - «tuèrent plus de 550.000 personnes, 50.000 du 22 juin à la fin du mois d'août, et 500 000 entre Septembre et Décembre 1941 [...] alliant la violence de la guerre au "sale boulot" [du] génocide »6. Tout comme Eichmann, certains membres des Einsatzgruppen auraient même été jugés – surtout entre 1947 et 1948, exactement vingt-quatre officiers supérieurs dans ce qu'on a appelé «les autres procès de Nuremberg» – et tous auraient systématiquement plaidé une prétendue obéissance inconditionnelle aux ordres – le Befehlsnotstand (le “j'ai obéi aux ordres”) - induite par une situation d'urgence dont la responsabilité incombe au supérieur hiérarchique et remonte toujours plus haut dans la hiérarchie jusqu'à n'y trouver qu'un seul coupable, et qui ne fait plus partie du monde des vivants : le Führer. « Une situation où l'on est forcé d'obéir aux ordres » – selon la définition adoptée par Primo Levi7 – serait passée à la postérité sous le nom de “Défense de Nuremberg”. Les juges – écrit Christian Ingrao – «mirent rapidement au défi les avocats des accusés qui avaient eu des responsabilités dans les unités mobiles d'extermination - Einsatzgruppen – de trouver un seul exemple d'un membre qui aurait été sanctionné pour avoir refuser de tirer. Pas un seul cas ne put être démontré, ce qui disqualifia cette thèse dès les années 50 au moins pour les officiers supérieurs et les chefs de section. Pour les hommes de troupe, la thèse du Befehlsnotstand, resta le mot magique […] dans de nombreux interrogatoires »8. Ces terres de sang sur lesquelles une grande partie du meurtre à grande échelle s'est déroulé et où pendant la guerre les nazis ont tué délibérément plus de dix millions de personnes dont pas une seule « n'était un soldat en service effectif »9, les hommes ont non seulement perdu le droit de vivre, mais aussi « le droit de ne pas tuer »10. Ils étaient nombreux ceux auxquels on l'a demandé ou qui voulaient le faire : on estime que la machine nazie d'extermination a impliqué environ quatre cent mille personnes (la moitié n'était pas allemande) 11, dont certaines ont franchi un point de non-retour, en appuyant sur la détente pour abattre des êtres humains sans défense, au moins une fois par jour durant plusieurs mois12. C'est aussi pour cette raison que la destruction des Juifs d'Europe, déjà en cours depuis plus de six mois, a été validée administrativement et soigneusement organisée sur la table de Conférence de Wannsee, le 20 janvier 1942 : le projet d'anéantissement était sur le point de s'étendre à toute l'Europe occidentale qui était progressivement occupée, et sa phase «sauvage» coûtait trop cher d'un point de vue économico-organisationnel et psychologique. De plus, trop de nouvelles circulaient et arrivaient directement aux oreilles des familles et des concitoyens de toutes nationalités qui ainsi apprenaient que des gens exterminaient pour leur travail. Combien de personnes étaient au courant de ce qui se passait ? Walter Laqueur, l'un des plus grands spécialistes ayant étudié le «terrible secret», rend impossible toute discussion : « Un secret partagé, même si ce n'est pas en détail, par des dizaines de milliers d'individus n'est plus un secret »13. Dès lors, celui qui devait savoir savait : les Alliés, l'Eglise, beaucoup d'hommes et de femmes dans des limites qui dépassaient de plus en plus celles du Troisième Reich14. Ce dernier s'est rapidement transformé en un véritable «univers concentrationnaire», avec ses secteurs destinés à l'extermination des Juifs d'Europe. Celui dans lequel affluait la plupart de ceux qui venaient de la partie occidentale du continent est resté gravé dans notre histoire et dans notre mémoire collective: Auschwitz.

 

C'est douloureux de réaliser combien de gens ont été impliqués – à différents degrés – à la mise en œuvre de la «solution finale» de la «question juive», mais nous ne pouvons pas éviter de le faire, parce que regarder à travers cette histoire peut nous aider à comprendre pourquoi, jour après jour, l'Europe s'est transformée en un piège gigantesque pour des hommes et des femmes qui essayaient par tous les moyens de se sauver, tout comme ces centaines de personnes qui sont passées par ces cols entre le 9 et le 13 Septembre 1943.

 

 

 

Des portes qui se ferment, des portes qui s'ouvrent

 

Ne l'oublions pas : lorsqu'on n'entrevoyait que de mauvais présages, et encore quand c'était possible de le faire, ça n'était quand même pas facile du tout de quitter le continent européen. C'est pour cette raison qu'au milieu des années 30, beaucoup avaient choisi de se réfugier dans d'autres parties du continent comme la France, ainsi que nous le raconte avec un indéterminisme éclairé le Musée juif de Berlin de Daniel Libeskind. L'Italie fasciste aussi a été une terre d'asile pour plus de dix mille Juifs d'Europe centrale et orientale15. Mais elle était précaire, nous le savons à présent 16, parce que beaucoup d'entre eux n'avaient pas d'autre alternative, une autre porte qui s'ouvre. Précédées par une violente campagne de propagande et décidées de manière totalement indépendante, les lois raciales sont arrivées également dans la péninsule italienne à la fin de l'été 1938, et sous certains aspects, elles étaient encore plus impitoyables que les lois allemandes de Nuremberg et s'inspiraient de la législation raciste déjà mise en œuvre dans les colonies et du fascisme de frontière17. L'Italie inaugurait un «régime de ségrégation» – évoquant l'apartheid au lecteur d'aujourd'hui – c'est ainsi que l'avait défini Primo Levi qui aurait écrit que « le pressentiment d'une catastrophe imminente se condensait telle une rosée visqueuse sur les maisons et dans les rues, dans les discours prudents et dans les consciences assoupies »18. Après les lois raciales des milliers de Juifs ont commencé à fuir aussi l'Italie fasciste, à commencer par les «étrangers» dont environ neuf mille furent touchés par le décret d'expulsion du 7 Septembre 1938 qui lança une affaire grotesque faite de rectificatifs, de rafles, de prorogations et de pressions psychologiques qui, en six mois, réussit quand même à en chasser ou en inciter à fuir plus de la moitié, bien que de nombreux pays n'en voulaient déjà plus. L'Europe centrale et orientale devenait toujours plus dangereuse, et malgré les départs constants rien n'arrêtait le flux des entrées. A partir de l'été 1939, les Juifs étrangers n'ont été autorisés à effectuer un transit que pour s'embarquer et fuir par la mer19. Peu avant, en Juillet 1938, une conférence s'était tenue à Evian sur le problème des réfugiés, et avait abouti à une impasse. L'histoire la plus connue qui suivit la Conférence d'Evian fut celle d'un millier de Juifs qui essayèrent d'atteindre la Havane, puis les États-Unis, sur le navire "St Louis" appartenant à la Compagnie de paquebots Hambourg-Amérique et dont le voyage - en Juin 1939 – se transforma soudainement en cauchemar suite à l'interdiction de débarquer imposée par les autorités cubaines. Elle fut relayée avec grand intérêt par la presse internationale et suivie par un large public, comme jamais une histoire n'avait été suivie jusque-là20. Après des semaines de navigation en haute mer, le navire fut contraint de faire route en direction de l'Europe, et les réfugiés furent accueillis in extremis par la Grande-Bretagne, la France, la Belgique et la Hollande21. Beaucoup d'entre eux auraient ensuite trouvé la mort dans les camps d'extermination d'Europe de l'Est, c'est la raison pour laquelle l'histoire du "St Louis" est devenue l'un des symboles de l'indifférence des autres pays22 face à l'extermination, et pas seulement dans les lieux dédiés à la mémoire juive - comme le Musée Yad Vashem à Jérusalem - mais également à l'United States Holocaust Memorial Museum de Washington23, capitale fédérale des Etats-Unis.

 

Pourtant, personne, en 1939 ni les années suivantes, n'aurait pu prévoir à quel moment - sous l'occupation nazie et avec la survenue des régimes collaborationnistes partout en Europe - la persécution des «droits» se serait transformée en une chasse à l'homme24.

 

Aujourd'hui, nous le savons: aucun refuge sûr n'aurait pu être trouvé au cœur de l'Europe continentale - si ce n'est peut-être en Suisse qui aurait toutefois rejeté un réfugié sur deux25 – puisque les frontières de l'empire nazi se seraient élargies de façon inimaginable et avec elles une politique de répression et d'extermination des «ennemis du Reich». Celui qui essayait de se rendre invisible ou de disparaître sans laisser de trace, celui qui recherchait la tranquillité ou un refuge dans la résidence forcée de la zone d'occupation italienne en France ou en Italie, ne pouvait pas encore savoir comment tout cela allait finir.

 

C'est aussi pour cette raison qu'il faut raconter qu'à l'inverse de la terrible réalité dans laquelle des hommes plus ou moins "ordinaires" ont participé à la persécution et à l'extermination, ou qui ont essayé par tous les moyens de rester indifférents, des milliers d'autres s'y sont opposées et ont su dire «non». Tout comme l'histoire connue et controversée du Danemark, où hommes et femmes de tous âges et de différent statut social improvisèrent une vaste opération de sauvetage par la mer, aidant ainsi à fuir vers la Suède plus de six mille personnes dites de «race juive» sur des bateaux de pêche et des embarcations de toutes sortes26. Ou bien celle des villages français du Chambon-sur-Lignon et de Dieulefit qui accueillirent des centaines et des centaines de persécutés27, ou encore celle des 25.685 "Juste parmi les Nations" – des non-Juifs qui ont sauvé des Juifs – qui ont été honorés par l'Institut Yad Vashem de Jérusalem28 et tous ceux qui n'ont pas encore été reconnus ou qui resteront à jamais dans l'anonymat. Pensons aux nombreux habitants des villes comme Tetti Baut, Festiona, Bergemolo, Bergemoletto, Demonte, Rialpo, Moiola, Gorrè, Beguda, Sant'Antonio di Aradolo, San Michele di Cervasca, Andonno, qui ont offert un abri à ceux qui, parmi les Juifs fuyant à travers les Alpes, n'avaient pas réussi à poursuivre leur route en direction de la Suisse ou de la zone déjà libérée par les Alliés29. Pour que des centaines d'hommes, de femmes, de personnes âgées et d'enfants soient sauvés vingt mois après avoir cheminé à travers les Cols de Fenestre et de Cerise, des milliers d'autres personnes avaient eu le courage de les accueillir pour une nuit, durant des semaines ou pendant des mois, au risque de tout perdre, même la vie.

 

Sans vouloir ne dédouaner personne ni faire des généralités, je crois qu'il est nécessaire de se souvenir, en pareille occasion, des «braves gens» qui ont su résister et qui en sauvant «l'autre» - l'étranger - se sont sauvés eux-mêmes.

 

 

Intervention à l'occasion de la “Marche de la Mémoire” - rencontre internationale “ Chaque souvenir est le présent”, Col de Fenestre, 6 septembre 2015.

 

Traduction de Corinne Benady

 

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1 Weissmann ha raccontato la sua storia nel libro Après la rafle, Michel Lafon, Paris 2011. Cfr. anche Joseph Weismann, une vie après le Vél d'Hiv, in “L'Express”, 15 settembre 2011 (http://www.lexpress.fr/culture/livre/joseph-weismann-une-vie-apres-le-vel-d-hiv_1030283.html). Per una sintesi cfr. Michel Laffitte, La rafle du Vélodrome d’hiver, 16-17 juillet 1942, Encyclopédie en ligne des violences de masse, pubblicato il 9 novembre 2009 (http://www.massviolence.org/La-rafle-du-Velodrome-d-hiver-16-17-juillet…, ISSN 1961-9898) e la bibliografia relativa.

2 «Les gendarmes français sont arrivés sur le coup de midi, se souvient Joseph Weismann, aujourd’hui âgé de 79 ans, à propos de ce 16 juillet 1942. Je n’avais pas vraiment peur. En fait, je ne me rendais pas vraiment compte… Par contre, je n’oublierai jamais le très fort sentiment d’angoisse qui se dégageait de mes parents et des adultes entassés dans le bus qui nous a emmenés au Vel’d’hiv’». Cf.. Témoigner: la «mission sacrée» de Joseph Weismann, 21 juillet 2010 (http://www.hamodia.fr/article.php?id=1279).

3 Cf. Les résultats de la recherche – qui seront par la suite publiés – Oltre il nome (Au-delà du nom), conduite par Adriana Muncinelli et Elena Fallo pour l'Institut historique de la Résistance de Cuneo, qui a rendu leur identité et leur visage aux Juifs capturés et déportés.

4 Cf. Le terme “Réfugiés”, dans Walter Laqueur (de), Dizionario dell'Olocausto (Dictionnaire de l'Holocauste), Einaudi, Turin 2004, édition italienne sous la direction d'Alberto Cavaglion (ed. or. The Holocaust Encyclopedia, Yale University Press, New Haven 2001).

5 Cf. Hannah Arendt, La banalità del male. Eichmann a Gerusalemme (La banalité du mal. Eichmann à Jérusalem), Feltrinelli, Milan 2001 (ed. or. Eichmann in Jerusalem: A Report on the Banality of Evil, Viking Press, New York 1963), pp. 84-5 (cf. également p. 55). A propos du travail controversé de Hannah Arendt, je suis naturellement d'accord avec les réflexions de Christopher Browning, quand il soutient que: «même si Eichamnn n'était pas un simple fonctionnaire, le concept reste valable pour comprendre les comportements de beaucoup d'exécuteurs de l'Holocauste» (Christopher R. Browning, Uomini comuni. Polizia tedesca e soluzione finale in Polonia [Des hommes ordinaires. Le 101e bataillon de la police allemande et la solution finale en Pologne], Einaudi, Turin 1995, p. 168 n. [ed. or. Ordinary Men. Reserve Police Battalion 101 and the Final Solution in Poland, Harper Collins, New York 1992]).

6 Christian Ingrao, Credere, distruggere. Gli intellettuali nelle SS, Einaudi, Turin 2012 (ed. or. Croire et détruire. Les intellectuels dans la machine de guerre SS, Arthème Fayard, Paris 2010), pp. 225-6.

7 Primo Levi, I sommersi e i salvati (Les naufragés et les rescapés), Einaudi, Turin 2007 (I ed. 1986), p. 44.

8 Christian Ingrao, Credere, distruggere, cit., p. 336 (les mêmes réflexions à propos de l'absence de sanctions envers les SS qui refusèrent de tirer, rapportée à Nuremberg, se trouvent dans Hannah Arendt, La banalità del male (La banalité du mal), cit., p. 99).

9 Cf. Timothy Snyder, Terre di sangue. L'Europa nella morsa di Hitler e Stalin (Terre de sang. L'Europe entre Hitler et Staline), Rizzoli, Milan 2011 (ed. or. Bloodlands. Europe between Hitler and Stalin, Basic Books, New York 2010), pp. 10-18 et 461-7, dans lequel l'auteur nous indique sa méthode de calcul des chiffres du “génocide intentionnel” de civils (il précise bien que nous devons aux soviétiques un tiers d'environ quatorze millions de morts et la moitié du nombre total est morte de faim), p. 227 sq. il aborde l'action des Einsatzgruppen.

10 Jonathan Littell, Le benevole, Einaudi, Turin 2008 (ed. or. Les bienveillantes, Gallimard, Paris 2006), p. 19.

11 Il s'agit de l'estimation célèbre de Dieter Pohl, qui écrit: «On évalue entre 150.000 et 200.000 le nombre d'Allemands du Reich qui ont participé à l'Holocauste, plus particulièrement à l'assassinat des Juifs d'Europe. Je pense que le nombre de forces locales a atteint approximativement la même dimension, mais à un degré beaucoup plus faible de responsabilité» (http://www.academia.edu/5273106/Collaboration_in_the_Holocaust_in_Hitlers_Europe_2012). Cette estimation m'a été signalée par le professeur Ingo Loose à la suite de son intervention qui s'intitulait Le concept et la représentation des bourreaux de Nuremberg dans les années 90 durant le séminaire Repenser et enseigner le nazisme (Berlin, 3-8 décembre 2013), organisé par le Mémorial de la Shoah de Paris.

12 L'exemple cité dans Christian Ingrao, Credere, distruggere (croire et détuire), p. 226, en rapport à “chacun des 300 hommes qui avaient opéré en Russie” (soit une personne par jour durant six mois).

13 Cf. Partie “Solution finale, qui savait et qu'est-ce qu'on savait”, citée dans Walter Laqueur (sous la direction de), Dizionario dell’Olocausto (Dictionnaire de l'Holocauste), cit.

14«Les gouvernements alliés, comme on le sait, en avaient été informés sans ambiguïté par des sources diverses au cours du second semestre 1942», écrit Giovanni Miccoli dans I dilemmi e i silenzi di Pio XII. Vaticano, Seconda guerra mondiale e Shoah (Les dilemmes et le silence de Pie XII. Vatican, Seconde Guerre mondiale et Shoah, Éditions Complexe, coll. « Histoire du temps présent », Paris, 2006), Rizzoli, Milan 2007 (I ed. 2000), p. 6, auquel il faut se référer également en ce qui concerne la prise de conscience de l'Eglise (pp. 4-15), à propos de laquelle il faut lire aussi Susan Zuccotti, Il Vaticano e l'Olocausto in Italia (Le Vatican et l'Holocauste en Italie), Bruno Mondadori, Milan 2001 (ed. or. Under His Very Windows. The Vatican and the Holocaust in Italy, Yale University Press, New Haven et Londres 2001), pp. 108 sq. A titre d'exemple, en ce qui concerne des “allemands ordinaires“ cf. Eric A. Johnson, Karl-Heinz Reuband, La Germania sapeva. Terrore, genocidio, vita quotidiana. Una storia orale (L'Allemagne savait. Terreur, génocide, vie quotidienne. Une histoire orale), Mondadori, Milan 2009, pp. 78, 15, 321, 326, 328-9, 334-5, 418-9 (ed. or. What We Knew. Terror, Mass Murder, and Everyday Life in Nazi Germany, An Oral History, John Murry, Londres 2005).

15 10.380 si on s'en réfère à l'article d'Eugenio Sonnino, La conta degli ebrei, dalle anagrafi comunitarie al problematico censimento del 1938 (Le dénombrement des Juifs, à partir des registres communautaires jusqu'au recensement problématique de 1938), disponible en ligne: http://www.demographics.it/public/file_23_1_2011.pdf.

16 Cf. Klaus Voigt, Il rifugio precario. Gli esuli in Italia dal 1933 al 1945 (Le refuge précaire. Les exilés en Italie de 1933 à 1945), La Nuova Italia, Florence 1993 (ed. or. Zuflucht auf Widerruf, Exil in Italien 1933-1945. Erster Band, Klett-Cotta, Stuttgart 1989).

17 Voir Nicola Labanca, Il razzismo istituzionale coloniale: genesi e relazioni con l'antisemitismo fascista (Le racisme institutionnel colonial: genèse et relation avec l'antisémitisme fasciste), dans Marcello Flores, Simon Levis Sullam, Marie-Anna Matard-Bonucci, Enzo Traverso (sous la direction de), Storia della Shoah in Italia. Vicende, memorie, rappresentazioni (Histoire de la Shoah en Italie. Histoires, souvenirs, représentations) (2 tomes), Utet, Turin 2010, p. 209.

18 Primo Levi, Il sistema periodico (Le système périodique), Einaudi, Turin 1975, p. 39.

19 Cf. Klaus Voigt, Il rifugio precario (Le refuge précaire), cit. pp. 291 sq. et Davide Rodogno, Il nuovo ordine mediterraneo. Le politiche di occupazione dell'Italia fascista in Europa, 1940-1943 (Le nouvel ordre méditerranéen. Politiques d'occupation de l'Italie fasciste en Europe, 1940-1943), Bollati Boringhieri, Turin 2003, pp. 438 sq. Certaines de ces réflexions sont également présentes dans mon livre La nostra Shoah. Italiani, sterminio, memoria (Notre Shoah. Italiens, extermination, mémoire), Feltrinelli Zoom, Milan 2015.

20 En plus du récit romancé de Gilbert Sinoué, Una nave per l'inferno, Neri Pozza, Vicenza 2005 (ed. or. Un bateau pour l'enfer, Calmann-Lévy, Paris 2005), voir Diane Afoumado, Exil impossible. L'errance des Juifs du Paquebot 'St-Louis'', Ed. L'Harmattan, Paris 2005.

21 Cf. en particulier Ibid., pp. 175-86.

22 Cf. Raul Hilberg, Carnefici, vittime, spettatori. La persecuzione degli ebrei 1933-1945 (Bourreaux, victimes, spectateurs. La persécution des Juifs 1933-1945), Mondadori, Milan 1994 (ed. or. Perpetrators, Victims, Bystanders, Aaron Asher Books, New York 1992), pp. 189 sq.

23 J'ai personnellement visité moi-même les deux Mémoriaux, en 2010 et en 2011.

24 Cf., en particulier, Michele Sarfatti, Gli ebrei nell’Italia fascista. Vicende, identità, persecuzione (Les Juifs dans l'Italie fasciste. Histoires, identité, persécution), Einaudi, Turin 2007 (I ed. 2000), pp. 113-308 et Id., “Prefazione” (“Préface”) Mario Avagliano et Marco Palmieri, Gli ebrei sotto la persecuzione in Italia. Diari e lettere 1938- 1945 (Les Juifs soumis à la persécution en Italie. Journaux intimes et lettres), Einaudi, Turin 2011, pp. V-IX.

25 «Terre d'exil, d'espoir, mais aussi de désespoir, la Suisse a accueilli environ 300.000 réfugiés pendant la guerre, soit 7 pour cent de la population nationale. Parmi eux, 28 000 étaient juifs, mais au moins autant ont été refoulés aux frontières” (Claudio Vercelli, partie “Zone frontalière de la Suisse”, dans Walter Laqueur (sous la direction de), Dizionario dell’Olocausto (Dictionnaire de l'Holocauste), cit. Cf. aussi Silvana Calvo, A un passo dalla salvezza. La politica svizzera di respingimento degli ebrei durante le persecuzione 1933-1945 (Presque sauvés. La politique suisse de refoulement des Juifs durant leur persécution 1933-1945), Zamorani, Turin 2010.

26 Cf. Bo Lidegaard, Il popolo che disse no. La storia mai raccontata di come una nazione sfidò Hitler e salvò i suoi compatrioti ebrei (Le peuble qui a dit non. L'histoire qui n'a jamais été racontée, comment une nation défia Hitler et sauva ses compatriotes juifs), Milan, Garzanti 2014.

27 Cf. en particulier François Rochat, Andre Modigliani, The Ordinary Quality of Resistance: From Milgram's Laboratory to the Village of Le Chambon, Journal of Social Issues (La qualité ordinaire de la Résistance : du laboratoire de Milgram au village du Chambon-sur- Lignon), 51/3 (1995) et le documentaire d'Alexandre Fronty et de Guillaume Loiret dont le titre est Dieulefit, le village des Justes (France 2010).

28 http://www.yadvashem.org/yv/en/righteous/statistics.asp (mis à jour le 1er janvier 2015).

29 Pour une synthèse de l'histoire, en plus du documentaire d'André Waksman, 1943. Le temps d'un répit / Il tempo di una tregua (France-Italie 2009) et du CD-ROM d'Adriana Muncinelli Ebrei in fuga attraverso le Alpi (Des Juifs en fuite à travers les Alpes) (Région Piémont, 2007), cf. la bibliographie essentielle suivante (remerciements à Elena Fallo): Harry Burger, Biancastella. Un partigiano ebreo durante la seconda guerra mondiale (L'Etoile blanche. Un résistant juif durant la seconde guerre mondiale) dans Il presente e la storia (Le présent et l'histoire), Istituto storico della Resistenza e della Società contemporanea in provincia di Cuneo, L’Artistica, Savigliano 2005; Alberto Cavaglion, Nella notte straniera. Gli ebrei di Saint-Martin-Vésubie, 8 settembre-21 novembre 1943 (Dans la nuit étrangère. Les Juifs de Saint-Martin-Vésubie, 8 septembre-21 novembre 1943), Aragno, Turin 2012 (I ed. 1981); Rosetta Scotti Douglas, Quarantacinque giorni nel campo di concentramento di Borgo San Dalmazzo in Quaderno n. 1 del CDEC (Quarante cinq jours dans le camps de concentration de Borgo San Dalmazzo dans le Cahier n° 1 du CDEC), Milan 1961; Luca Fenoglio, Angelo Donati e la questione ebraica nella Francia occupata dall’esercito italiano (Angelo Donati et la question juive dans la France occupée par l'armée italienne), Zamorani, Turin 2013; Guido Fubini, L’ultimo treno per Cuneo. Pagine autobiografiche 1943-1945 (Le dernier train pour Cuneo. Pages autobiographiques 1943-1945), Meynier, Turin 1991; Jean-Marie Le Clézio, Stella Errante (ed. or. Étoile errante, Gallimard, Paris 1992), Il Saggiatore, Milan 2000; Michael Robert Marrus, Robert O. Paxton, Vichy France and the Jews (Vichy France et les Juifs), Standford University Press, Californie 1981; Giuseppe Mayda, Ebrei sotto Salò. La persecuzione antisemita. 1943-1945 (Les Juifs sous la République de Salò. La persécution antisémite. 1943-1945), Feltrinelli, Milan 1978; Adriana Muncinelli, Even. Pietruzza della Memoria. Ebrei 1938-1945 (Even. Caillou de la Mémoire. Les Juifs 1938-1945), EGA, Turin 2006; Adriana Muncinelli, La deportazione ebraica in provincia di Cuneo (La déportation juive dans la province de Cuneo), dans Il libro dei deportati (Le livre des déportés), Recherche du Département d'Histoire de l'Université de Turin, dirigée par Brunello Mantelli et Nicola Tranfaglia, vol. II, Mursia, Milan 2010; Jean-Louis Panicacci, L’occupation italienne. Sud-Est de la France, juin 1940-septembre 1943, Presses Universitaires de Rennes, Rennes 2010; Liliana Picciotto Fargion, Il Libro della Memoria. Gli ebrei deportati dall’Italia (1943-1945) (Le livre de la Mémoire. Les Juifs déportés d'Italie), Mursia, Milan 2002 (I ed. 1991); Léon Poliakov, Jacques Sabille, Gli ebrei sotto l’occupazione italiana (Les Juifs sous l'occupation italienne), Edizioni di Comunità, Milan 1956; Nuto Revelli, Il prete giusto (Le prêtre juste), Einaudi, Turin 1998; Davide Rodogno, Il nuovo ordine mediterraneo (Le nouvel ordre méditerranéen), cit.; Chaya H. Roth, La Shoah. Memoria e dialoghi famigliari (La Shoah. Mémoire et dialogues familiers), Fusta, Saluzzo 2014; Stella Silberstein (Simha Naor), Hotel Excelsior. Un diario sulle tracce del passato. 1945/46 (Hotel Excelsior. Un journal intime sur les traces du passé. 1945/46) dans Il presente e la storia (Le présent et l'histoire), Istituto storico della Resistenza e della Società contemporanea in provincia di Cuneo, l’Artistica, Savigliano 2012; Paolo Veziano, Ombre di confine. L’emigrazione clandestina degli ebrei stranieri dalla Riviera dei Fiori alla Costa Azzurra (Ombres de frontière. L’émigration clandestine des Juifs étrangers de la Côte des Fleurs à la Côte d'Azur), Fusta, Saluzzo 2014 (I ed. 2001); Klaus Voigt, Il rifugio precario (Le refuge précaire), cit.; Susan Zuccotti, Holocaust Odysseys. The Jews of Saint-Martin-Vésubie and their flight through France and Italy (Odyssée de l'Holocauste. Les Juifs de Saint-Martin-Vésubie et leur fuite à travers la France et l'Italie), Yale University Press, New Haven & Londres 2007.

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